Messages : 70 Date d'inscription : 17/01/2016 Age : 22 Localisation : Catalogne.
Sujet: Gaïa's OS. Mar 30 Aoû - 20:24
Gaïa's
OS
Depressed Love:
« Il aimait la mort, elle aimait la vie. Il vivait pour elle, elle est morte pour lui. » Shakespeare.
On aimerait tous rencontrer notre âme-sœur dans un endroit magnifique, un endroit mémorable, un endroit que décrivent à la perfection nos meilleurs livres, tel une plage, un restaurant luxueux, ou bien au détour d'une ruelle sombre, sous la pluie. Mais comme l'amour est imprévisible et très déroutant, un célèbre chanteur dirait « Nous trouvons l'amour juste là où nous sommes », mais, notre seule routine à cette époque-ci étant d'aller au lycée, voilà où nous nous sommes rencontrés.
Te souviens-tu ? J'étais « le mec à éviter », un peu déprimant, tatoué, avec un style plutôt rock et un tas de piercings que les gens aimaient critiquer ; toi, tu les aimais, et c'est ce qui comptait. Et puis, tu es arrivée, avec ta bonne humeur qui émanait de toi telle une vague de chaleur. Tu aimais porter des robes à fleur ou bien des robes fluides blanches, tu aimais tournoyer sur toi-même, la faisant tourbillonner pour ensuite rire aux éclats, ta chevelure blonde soyeuse encadrant ton visage si fin, si pâle, avec ta peau sans imperfections. On aurait pu croire que tu n'étais qu'un ange descendu du ciel ; personne ne pouvait te trouver de défauts ; personne, hormis moi, malgré l'admiration sans bornes que je te portais. Tu avais toujours un sourire magnifique accroché au visage, surmonté d'une fossette à la joue droite où j'aimais mettre mon doigt, ce qui te faisait seulement rire, comme toujours. Puis tu me regardais avec un regard perçant, de tes yeux verts clairs, qui brillaient tout le temps, on pouvait croire que tu allais pleurer à chaque instant ; seul moi savait que tu étais la personne la plus forte que je n'aie jamais connu. Et, dans ces moments d'intimité là, tu aimais mettre ta main douce dans mes cheveux et jouer avec eux, en me chatouillant doucement les côtes, tout en sachant que je ne les craignais pas ; tu étais juste très tactile, et tu aimais avoir un contact constant avec moi. La première fois que tu es venue me parler, t'en souviens-tu ? Je ne pense pas, tu n'aimais pas t'attacher aux moments du passé, alors, je vais te raconter comment tout ça s'était passé, car je pourrais te le dire encore et encore, j'étais tellement heureux que tu viennes me parler, que tu me remarques. J'étais juste assis sous un arbre, sous l'arbre où l'on aimait se rejoindre au début de notre amitié, et je lisais, comme à mon habitude. Je suppose que tu m'appelais depuis alors quelques minutes, mais je n'avais pas réagi, trop plongé dans mon livre, tu avais alors posé ta fine main sur le haut de celui-ci, pour que je relève mon visage vers toi. Je n'avais pu m'empêcher de sourire bêtement, mais nous étions bêtes, tu le disais tout le temps. Et alors, tu avais parlé. Juste quelques mots, mais j'avais dû attendre quelques minutes de m'en remettre pour pouvoir parler, et j'avais dû bégayer sur tous les mots. Tu m'avais juste demandé si j'avais un mouchoir, rien de plus banal, mais la façon dont ta voix avait roulé les mots m'avait énormément bouleversé. J'avais alors sorti le premier paquet de mouchoir que j'avais trouvé dans mon sac, qui s'avérait être un paquet Hello Kitty. J'avais rougi, et j'avais bégayé en disant que c'étaient ceux de ma petite sœur ; ce qui était vrai. Tu avais alors simplement rigolé, m'avait répondu un « J'aime beaucoup Hello Kitty. », et tu m'avais avoué par la suite que c'était faux, puis tu étais partie en me remerciant, ton sac tombant légèrement sur ta hanche, ta démarche presque aérienne me faisait rêver.
Tu étais très mystérieuse ; tu n'aimais pas partager beaucoup de choses, tu aimais les mystères, les histoires compliquées, les citations farfelues et toutes les choses inutiles de ce monde. Tu me rappelais beaucoup le personnage de Margo dans ce livre de John Green que tu avais beaucoup aimé.
J'ai commencé à comprendre que j'étais accro à toi lorsque tu avais dû partir aux funérailles de ta tante que tu détestais, et que j'avais passé ces deux jours sous ma couette à renifler un de tes foulards portant ton odeur ; j'étais ridicule, mais tu m'aimais comme ça. Tu m'avais aidé à m'affirmer ; grâce à toi, j'osais affirmer mes goûts, mon style particulier et ma passion pour la guitare électrique ; tu me poussais toujours plus loin, tu aimais mettre les gens en avant et tu aimais les aider à réaliser leurs rêves. Tu t'occupais presque trop des autres, à même t'oublier toi-même.
Un jour, tu m'as posé une question étrange, mais ça ne m'avait pas surpris ; tu aimais poser des questions bizarres, à n'importe quel moment. Néanmoins, cette question-là m'avait fait comprendre qu'il y avait plus qu'une simple interrogation derrière ces simples mots ; peut-être ton air un peu triste m'avait-il fait comprendre ça. Tu m'as juste demandé « Tu aimerais mourir comment, toi ? ». Je ne me souviens pas vraiment de ce que j'avais répondu, mais par contre, je me souviens absolument de ce que tu avais rétorqué. « Moi, j'ai envie de mourir d'une façon qui fera que l'on m'oubliera. ». Lorsque tu m'as dit ça, je n'ai rien dit sur le moment. Mais, tu sais, ça m'a travaillé pendant des jours, voire des semaines. Chaque soir, j'essayais de comprendre le sens caché derrière tes mots, chaque fois que je te voyais, j'essayais de comprendre le pourquoi de ta phrase si étrange. Mais tu me l'as démontré, après, hein ? Tu n'en étais pas obligée. Je m'en serais passé, tu sais.
Tu m'apportais la joie et l'amour que je n'avais jamais pu avoir, tu m'apportais tout ce dont j'avais besoin au quotidien et ça m'était suffisant, je ne vivais plus qu'au travers ta présence. Mes parents, mes amis, ma famille, tout le monde t'adorait. Mais personne ne te connaissait autant que je connaissais. Tu étais fourbe. Tu étais parfaite, et tu le savais. Tu en jouais. Tu aimais parfois me rabaisser. Mais, je t'aimais trop, alors je me disais « C'est pour mon bien qu'elle me dit ça, c'est pour que je sois encore meilleur. ». J'étais tellement naïf, et je m'en veux, maintenant. Tu aimais jouer, tu aimais provoquer, tu aimais faire mal. Mais, tu m'avais dit que j'étais ton petit soleil, et qu'à moi, jamais tu ne me ferais du mal. J'ai ris, ce jour-là. Je ne me rends compte que maintenant que ce rire était une sorte de prédiction de ce qui allait se passer par la suite.
Tout s'est vite enchaîné, ensuite. Tu es partie chez tes grands-parents pour un mois ; tu n'en es jamais revenue. Tu m'envoyais des lettres ; je crois, non je suis sûr, en avoir encore une de toi, ta dernière, qui doit être toute froissée, à force de pleurer dessus, d'y passer mes nerfs, et de dormir avec. Elle a encore un peu ton odeur, tu sais ? Tu m'envoyais des nouvelles, de moins en moins fréquemment, mais je ne m'inquiétais pas, c'était bien ton genre de faire ça, puis de revenir en bombe à la fin de l'année. J'aurais dû m'inquiéter. C'était un soir, j'étais devant la télé avec mes parents, j'étais sur mon téléphone, un vrai geek je te dis. Je surfais sur les réseaux sociaux, et j'entendais d'une oreille qu'une jeune fille s'était donnée la mort la veille. Tu sais, je ne m'en suis pas inquiété. Des morts, il y en a tous les jours. C'est débile, les journaux se donnent du mal pour nous avertir des morts, des familles sont brisées à la suite de ces nouvelles, et nous, on s'en fiche complètement, tant que ce n'est pas un de nos proches, on pourrait éclater de rire, cela ne nous ferait ni chaud, ni froid. La débilité de l'être humain, ce que tu disais tout le temps. J'ai aussi entendu qu'ils ne pouvaient absolument décliner l'identité de cette jeune fille, elle était trop amochée, ou devrais-je dire, tu étais trop amochée. J'ai reçu ta lettre une heure plus tard. Je me souviens de l'empressement avec lequel je suis allé l'ouvrir. Mes parents ont rigolé en me voyant si heureux. J'étais heureux, réellement ; tu me rendais heureux, plus heureux que je n'avais jamais pu l'être au cours de ma vie. J'ai ouvert, non, déchiré l'enveloppe. J'ai parcouru avidement les premières lignes. Mes parents ont dû voir mon changement d'air ; passer d'une immense sourire à une larme qui roule sur la joue, ça ne passe pas si inaperçu que ça, finalement. Tu t'étais donnée la mort. Tu m'avais abandonné. Toi, toi et tes promesses d'avenir, toi et ton grand cœur, toi et ta présence à mes côtés, tu m'avais lâchement abandonné. Et tu avais le culot de me dire, dans ta lettre, que tu avais « fait ça pour moi ». J'ai éclaté de rire à ce passage-là, tu m'aurais pris pour un fou si tu m'avais vu comme ça. Des larmes sortant en torrents de mes yeux rouges, les mains tremblantes, secoué d'un rire presque terrifiant, on aurait pu croire que j'étais drogué. Je me souviens de la réaction de mes parents ; ils ont eu peur de moi. Ils ont reculé, oui, mes parents, et ils m'ont dit de me calmer. Me calmer, alors que tu m'avais abandonnée ? Tu étais « morte pour moi », en reprenant tes dires, pour « ne pas me faire souffrir, car tu ne m'avais jamais réellement aimé, j'avais besoin de quelqu'un qui était là pour moi, tu m'avais aidé à être heureux, mais maintenant, je devais vivre sans toi ». Mais j'avais uniquement besoin de toi ! J'aurais pu tout abandonner, pour toi ! J'aurais pu tout sacrifier, perdre ma famille, mes amis, mes proches, rien que pour toi ! Ce n'était même plus de l'amour, à ce stade-là, c'était juste une sorte de lien, un attachement pur et dur, tellement fort qu'il me serrait le coeur parfois lorsque j'étais à tes côtés et que nos regards se vrillaient. J'étais bien trop attaché à toi, tellement attaché à toi que j'ai eu l'impression que l'on m'arrachait le cœur lorsque je me suis rendue compte que la « fille des informations », c'était toi. C'était tout le temps toi, partout, tu apparaissais à chaque tournant, dans chaque recoin sombre, tu étais tout le temps là, et des fois, tu te moquais même de moi, en disant « Regarde toi ! Tu fais pitié comme ça, reprends-toi, même tes parents ont honte de toi ! J'ai fait tout ça pour quoi ? Pour que tu ressembles à une larve ? », puis tu partais, me laissant pleurer pendant des heures. Mes amis disaient que j'étais fou, mes parents disaient que tu me manquais bien trop. Ils voulaient m'emmener voir un spécialiste, je leur riais au nez. Je n'étais pas fou ; je me sentais juste abandonné, et j'avais un trou au niveau du cœur. Je n'avais pas mal, et je ne pleurais pas, tu sais ? J'étais juste...vide. Vide d'émotions. Vide de ressenti. Vide, vide vide. Je me levais le matin, j'exécutai tout tel un automate, je me couchais le soir, et tout recommençait le lendemain. Personne n'avait rien remarqué, étais-je si bon acteur que ça ? Je voulais que l'on me remarque, que l'on me regarde, que l'on me pointe du doigt, que l'on dise aux alentours « Celui-là, il ne va pas bien. », que l'on vienne me voir, me parler, me serrer dans ses bras, que l'on me dise « Je suis là pour toi. ». Tu étais cette personne qui me disait ça, auparavant.
Mais j'ai continué à vivre. Toujours aussi mal, toujours aussi vide, toujours aussi incompris, toujours avec cet automatisme. Mais j'ai continué. Comme une petite revanche sur la vie, sur mes épreuves, sur toi. Tu apparaissais moins souvent, tu ne me dénigrais plus. Tu me regardais juste, des fois tu m'adressais un sourire, puis tu partais. Je m'étais habitué à ta présence fantômatique à mes côtés. Mes parents, eux, avaient renoncé à m'emmener chez un spécialiste. En fait, ils avaient renoncé à tout, à moi, à mes difficultés, et mon obstination à ne pas profiter un peu plus de la vie. Et maintenant, je suis seul, comme je l'ai toujours un peu été. Je pense que j'ai toujours été cette coquille vide, et que tu es cette personne qui m'a fait réaliser ça. Et je ne t'en remercierai pas. Jamais.
Portrait:
Vous voyez cet homme, assis là-bas, seul à la table ? Oui, celui-là, celui qui tient un verre à moitié rempli d'une substance grisâtre entre ses doigts fins et tremblants. Celui qui doit être déjà ivre à cette heure de la journée, celui qui vous dégoûte. Celui que vous n'osez approcher, celui que vous dévisagez, que vous pointez du doigt avec votre bande de potes et que vous critiquez, celui que vous évitez lorsque vous passez près de lui. Cet homme, là, il est assis là tous les jours. Tous les jours, le barman le salue, tous les jours, les gens le critiquent, tous les jours il finit saoul et peut-être même drogué, et tous les jours, il est là, comme un meuble que l'on aime pas trop mais qu'on n'enlève pas, on ne sait pas pourquoi. C'est la première fois néanmoins que vous le voyez. Cet homme, là, avez-vous déjà essayé de l'approcher ? Sous ses airs d'homme des rues, sous ses cheveux longs et sales, sous cette peau grise et sans vie, peut-être y a-t-il une âme ? Peut-être que, si vous aviez creusé, vous auriez trouvé un cœur ? Un cœur fatigué de battre, un cœur malade, mais un cœur ? Vous ne le saurez jamais, car cet homme, il vous dégoûte. Vous sentez un lourd passé derrière cette carcasse qu'il traîne difficilement, peut-être a-t-il été tueur à gages, peut-être a-t-il été dealer. Ou peut-être a-t-il été médecin, chanteur, ou professeur ? Mais ça, vous n'y avez jamais pensé. Pour vous, c'est clair et net : cet homme est classé comme persona non grata. Attention, il se lève ! Il prend appui sur le dossier de sa chaise, il s'aide du mur, il est debout. Ses jambes vacillantes portant difficilement son poids, vous pouvez désormais apercevoir sa carrure et ses vêtements. Il paraît d'une taille moyenne. Aux alentours des 1m80, peut-être. Il vous faudrait vous lever pour évaluer ça avec plus de précision, mais vous n'osez pas, comme toujours. Un pull déchiré recouvre maladroitement son torse, et un pantalon sombre tombe sur ses hanches. Il avance ! Un pas devant l'autre, très lentement, les yeux fixés sur un point invisible, vous ne pouvez détacher le regard de sa personne. Il évolue dans le cadre du bar, sa présence faisant tâche au milieu de toutes ces personnes distinguées. Vous ne pouvez vous empêcher de le trouver abject, répugnant, atroce, mais pourtant, vous continuez à le suivre des yeux. Il trébuche, il tombe. Personne ne l'aide, personne ne bouge le moindre doigt de pied pour venir l'aider à se relever, alors que tout le monde l'a vu. Il se relève, doucement, et croise le regard de plusieurs personnes dans le bar, pour la première fois. Il croise votre regard. Que faites-vous ? Vous détournez les yeux. Vous avez honte. Vous vous cachez, vous avez peur. Il s'approche de vous. Vous tremblez, de plus en plus. Il a accéléré, il va vite, maintenant. Vous vous demandez comment il est possible qu'un homme fragile comme lui puisse aller aussi vite. Vous vous recroquevillez sur votre siège, sans le regarder dans les yeux. Vous regardez son torse, ses pieds, ses mains, mais jamais son visage. Ça y est, il est arrivé devant vous. Il vous impressionne, malgré son air déprimé et sa posture tremblante, vous ne pouvez vous empêcher de baisser la tête à son approche. Vous attendez. Peut-être dix secondes, peut-être deux heures. Vous ne savez pas, vous êtes sous pression, vous avez peur. Il vous fixe. Il vous juge du regard, il vous observe. Et enfin, d'une voix tremblante, il vous parle.
- Vous ressemblez à ma fille. Êtes-vous ma fille ? Je cherche ma fille. J'étais parti à la guerre, en Syrie. Je suis revenu, désormais. Je cherche ma fille. Elle s'appelle Oksa. Elle est jolie. Elle avait dix ans quand je suis parti, on était en 2002. Elle doit être une jeune adulte maintenant. On est bien en 2016 ? Êtes-vous Oksa ?
Et là, vous relevez la tête. Vous affrontez son visage pâle et émacié, ses yeux illuminés par l'espoir. Vous avez pu percevoir le désespoir dans sa voix, tout le monde aurait pu. Le bar est silencieux, et vous, vous affrontez les yeux verts de cet homme brisé par la vie. Vous vous en voulez. Vous vous dites que vous l'avez jugé trop vite. Qu'il n'est ni un tueur à gages, ni un dealer. Qu'il n'est pas mauvais. Que ce n'est pas un SDF. Qu'il n'est pas ivre. Mais surtout, qu'il a un cœur. En parlant du vôtre, de cœur. Il vous fait mal. Atrocement. Car vous n'êtes pas Oksa. Vous n'osez pas lui dire. Lui briser ses espérances. Alors, vous vous levez. Et vous partez. Tout simplement. Vous avez mal. Vous avez énormément de remords. Vous vous sentez stupide. Parce que cet homme n'a pas mérité votre dégoût, votre haine. Alors, vous partez, et vous décidez de ne jamais juger à nouveau quelqu'un aussi rapidement que vous l'avez fait avec ce pauvre homme.
Gaïa's OS.
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